Oh la jolie petite pilule oh mais comme elle est drôle drôle de petite pilule posée là on dirait bien que c’est un asticot, un petit asticot rouge tout rouge, tout seul sur le coin de la table tu vas la tourner un peu pour rigoler c’est vrai on ne rigole pas trop trop ici non ici c’est pas un endroit drôle c’est un endroit. Il y a des murs. Beaucoup, beaucoup de murs. Rien que des murs en fait cet endroit c’est tout un mur, un mur entier, droit et avec des pilules-asticots au coin des tables, on peut les faire tourner pour s’occuper un peu en attendant de pouvoir aller marcher, dans le couloir, aller marcher un peu et manger surtout les yaourts il n’y a que ça de bon les yaourts blancs dans les pots en verre parfois ce sont ceux aux fruits mais là non tu les laisses tranquilles, les yaourts au fruits, tranquilles tu les gracies laisses couler hors de ta bouche, parce que c’est pas bon. Non. Mais là tu crois pas que là on parle, oui, il y a quelque chose, dans ton oreille il semble qu’on t’appelle peut-être mais non toi tu t’appelles... oui Alfred, non Jérôme ! mais bien sûr Jérôme c’est ça c’est quand même un peu bizarre bizarre de ne pas être sûr de comment on s’appelle, mais non Alfred c’est ton frère. Ou ton père ? Il faut que tu manges l’asticot. Il faut sinon ça va gueuler, ça gueule toujours et c’en sera d’autres, les bleus qui sont comme les fées par exemple ah oui, les bleus clairs ils sont rares, seulement en hiver, des asticots d’hiver, et qui te font tout oublier non non non pas les bleus ce soir tu as promis à Alfred de jouer avec lui, non c’est pas Alfred c’est comment déjà si seulement si seulement ils pouvaient te laisser un peu plus de place, se pousser un peu, tous ces murs se taire un peu avec leurs plafonds qu’on leur a collé dessus, sur la tête des murs on a collé des plafonds, les plafonds ce sont des chapeaux d’hiver et quand il neige on n’a pas le droit de sortir, ah non non non on n’a pas le droit, sortir c’est interdit, interdit ! C’est eux qui savent ils te disent, interdit monsieur ah mais monsieur où c’est qu’il va le monsieur qu’ils te disent en te prenant par le bras, puis par la taille puis les jambes les chevilles pour te faire voler quand tu veux voir dehors voilà c’est comme ça toujours comme ça tu finis toujours par t’envoler, ils te font voir les plafonds-chapeaux de plus près, c’est pour ton bien ils glissent des trucs dans ta gorge pour ton bien ils sont tous si gentils monsieur va être sage, à ton âge oui tout de même allez papa à ton âge qu’elle t’a dit ta fille c’était à Noël dernier oui tu es sûr à Noël elle te disait quand même papa mais il y a les murs ma fille, il faut faire attention que les chapeaux ne nous tombent pas sur la tête tu lui expliquais tout ça mais c’était un peu compliqué, tu voulais la prévenir mais tu es fou fou qu’elle disait, je suis si triste papa qu’elle te disait est-ce que tu m’entends qu’elle te disait tu entends bien sûr tu entends toujours encore depuis tu l’entends mais toi tu faisais la guerre pour la protéger et elle ne voyait pas, c’est à cause des asticots que tu lui disais mais elle ne te regardait plus, tout ça parce que les asticots ça empêchent de parler de parler à ceux qu’on aime, oui c’est pour ça qu’on les a inventés alors aujourd’hui toi tu les mâches tu les mâchouilles même et tu les râpes lentement avec ta langue pour les faire gicler, exprès lentement leur petite pellicule pour te venger sur toute leur descendance d’asticots et pour qu’ils aient mal, qu’ils sentent leur sang couler en dehors de leur petit corps et fondre et disparaître comme toi à cause d’eux elle te disait je t’aime papa mais les asticots, les asticots ont bouffé ta réponse. Elle est dans ta gorge, elle est là. Elle attend. Bien au chaud, entre deux rouges.