Le vent ne parle pas.
Ecoute : il ne dit rien.
Ici, pas un mot.
Les allées sont vides des âmes qui n’y sont pas.
Personne en ces tombes.
Rien que des corps.
Le vent doucement caresse la pierre, balaie des souvenirs anonymes.
Anonymes et froids comme le silence des nuits où l’on creuse la terre.
En silence, furent creusés,
Des puits sans fond pour des corps perdus.
Personne en ces tombes.
Rien que des os, que l’on ne prie pas.
Regarde : pas de fleurs pour ces morts, pas de pleurs pour mémoire,
Rien que la poussière qui gagne.
L’épitaphe saigne muette au soleil
Et doucement s’effacent les chemins que l’on ne franchit pas.
Personne en ces tombes.
Rien que le passé scellé de l’histoire indicible.
Les vivants sont partis, qui doivent à ces morts des noms sur leur croix.
Personne en ces allées, le vent ne parle pas, les puits creusés s’oublient.
Les vivants sont partis. Ne savent plus les histoires que les nuits racontaient.
Qui priera donc ces hommes volés ?
Qui rendra à leur chair disparue le nom de leur père ?
Non, femme, ton homme n’est pas ici,
Car tu ne t’es pas penchée sur la terre du manque.
Non, mère, ton fils n’est pas ici, pas dans cette terre froide,
Car tu n’as pas baisé la peau lisse de son sommeil.
Priez pour eux, la chaleur de vos cœurs fait résonner le vent.
Les vivants damnés qui creusent les nuits de l’infâme
Des puits sans nom
Voleurs d’éternité
Bientôt viendront
Rejoindre l’épais silence.
Car ici
Rien que des hommes sans nom.
Personne en ces tombes.
Algérie - 2005