Regarde moi, soldat.
Regarde-moi, si tu oses. Vous tous, silencieux et armés, je viens vers vous.
Qu’allez-vous faire ? Que direz-vous ?
Regarde mes yeux, dans mes yeux il n’y a pas de balles, il y a seulement le feu
De ce que tu y as brûlé.
Soldat, avance, viens voir ta mère, car je suis tous les mères, car tu es mon fils et celui que tu m’a pris
Dans ta chair est présent.
Regardez-moi, gardiens muets immobiles, je viens vers vous.
Allez-vous frapper ?
Mais je ne crains aucun coup.
Je n’ai plus de peur, regarde dans mes yeux, je n’ai plus de pleurs, je ne crains plus même la mort, soldat.
Tu es si fragile face à ma colère
Si petit contre l’immensité
De ma peine.
Mon âme est là où tu l’as emmenée, là où tu as poussé mon manque à chercher la vie.
Dans les endroits sombres des nuits où il n’y en a pas
Dans les souvenirs que tu m’as laissé de lui
Dans ce que nous devions vivre
Ensemble
Et que nous n’avons pas vécu.
Pas vécu, soldat.
Sourire perdus, enfants qui ne viendront pas, sa main
A lâché la mienne
Tiré par toi dans le néant
Sa main n’est plus.
Soldat mon fils, je pourrais te tuer, oui je le peux
Tu ne sais pas ce que tu as mis dans mon cœur, tu ne mesures pas ce qu’est
La colère
D’une mère
D’une mère, soldat.
Il y a du sang, mon fils, dans mes veines, et il est chaud d’un amour qui attend
Ferme les yeux et attend
Toujours
Qu’as-tu à dire, qu’as-tu à répondre ?
Que t’a-t-on appris, enfant, ne t’a-t-on donc pas dit
Qu’il n’y a pas plus fort
Que ce que la chair donne dans la chair
Qu’il n’y a pas plus sacré
Que l’amour de celui qui marche demain en ton nom ?
Je suis fatiguée, soldat, d’être en colère.
Regarde mon visage
J’aurais tant voulu le prendre
Dans mes bras
Et le serrer.
Mais il n’est plus là
Et toi, fils de silence,
Tu n’as rien à me dire
Tu baisses le regard
Lâche.
Je n’ai pas désappris le sourire, non.
Je n’ai pas désappris l’amour
Je me souviens de tout.
Soldat, regarde-moi :
Je me souviens de tout
Et plus grand encore
Est mon cri
Mon cri
Mon fils
Soldat
L’attente est faite d’année,
Mes yeux te suivront.
Regarde-moi soldat:
Eternelle est mon attente, mes yeux, toujours, te suivront.
Algérie - 2005